Changer de poste a beau être une expérience banale, elle génère souvent anxiété ou, au contraire, illusions chez les salariés. Marc Traverson, coach professionnel, livre ses conseils pour s’y préparer.

La société française n’est pas de celles qui valorisent fortement la mobilité professionnelle. Pourtant, depuis une vingtaine d’années, on observe une plus grande fréquence des changements en cours de carrière. Ils sont même une nécessité pour espérer progresser au sein de la plupart des entreprises.
La réussite d’une mobilité suppose une bonne articulation entre les enjeux de l’entreprise -gérer les talents et les compétences- et ceux du salarié. La transition est une expérience « banale », en ce sens que toute personne en activité connaîtra au cours de sa carrière plusieurs modifications importantes de ses conditions d’emploi. Et cependant un changement de poste n’est jamais anecdotique pour celui ou celle qui y est confronté, parce que cela a des conséquences sur sa vie quotidienne autant que sur ses perspectives de carrière.
Pas de retour en arrière possible

Ces périodes sont toujours vécues avec intensité, parce que le changement professionnel nous confronte à l’incertitude. Cela peut générer de l’anxiété ou à l’inverse, une excitation de la nouveauté, et parfois des attentes magiques, des illusions. C’est aussi une période de solitude, puisque les choix de carrière relèvent, en dernière analyse, du libre arbitre de chacun. Enfin, ce sont des décisions irréversibles, puisqu’il n’y a généralement pas de retour en arrière possible.

Réaliser une transition professionnelle, c’est expérimenter un changement de statut, de rôle, parfois de métier. C’est quitter une équipe familière pour aller vers de nouveaux collègues. Cela suppose de se familiariser avec une culture et un environnement de travail différents, de nouvelles façons de communiquer. Dans un environnement économique volontiers anxiogène, qui focalise l’attention sur les risques, il s’agit d’un moment psychologique caractérisé par des interrogations sur soi, sur sa sécurité, sur les perspectives d’avenir.

Le souhait de mobilité prend des formes variées. Certains expriment de manière spontanée un désir de nouveauté, d’évolution, d’un nouveau challenge. D’autres expriment plutôt un sentiment d’ennui, d’usure dans leur activité, voire un rejet de leur situation actuelle. Ils manifestent alors, plutôt qu’une aspiration positive (un « aller vers »), une volonté de s’éloigner (d’un chef, d’une équipe où s’est développé un conflit, d’un métier dont on se lasse, d’une organisation où l’on ne se voit pas d’avenir). Le désir de changer apparaît alors motivé par un sentiment d’impasse ou de non-reconnaissance.

Prendre le temps de faire un bilan, de comprendre ce qu’il s’est passé
Lorsque, pour telle ou telle raison, on quitte un poste dans des circonstances difficiles, ou que les relations professionnelles se sont dégradées, il est utile de prendre le temps de faire un bilan, de comprendre ce qu’il s’est passé, et de clôturer les relations avec ses anciens collègues: transmettre ce qui doit l’être, adresser un message à l’équipe que l’on quitte. Ce travail relationnel est très important pour être pleinement disponible et en mesure de s’adapter à un nouveau poste.

Le changement peut activer des scénarios de stress: tendance à la suradaptation (je me conforme à ce que j’imagine que l’on attend de moi), attitudes ambivalentes (je dis vouloir ce poste mais je fais tout pour que cela ne se fasse pas), des scénarios victimaires (« de toute façon, je n’y arriverai pas » ou « pourquoi untel a eu le poste, et pas moi »). Il est vrai que la position de « candidat » n’est pas aisée à tenir, et comporte des risques narcissiques: se trouver en compétition avec d’autres candidats pour un poste convoité, être « jugé » sur ses capacités, son attitude, son comportement, risquer de ne pas être choisi, et le vivre comme un rejet personnel.
On observe fréquemment des moments de confusion au moment de faire des choix de carrière. On n’est pas sûr de ce qu’on veut ou pas, jusqu’à se sentir parfois paralysé par ce sentiment. Ou bien on doute de ses compétences pour occuper un poste, dans l’incapacité d’évaluer ses propres capacités -on parle parfois du « syndrome de l’imposteur ».

Identifier ce qui nous procure du plaisir dans le travail
Dans tous les cas, il est souhaitable de se projeter vers de nouveaux objectifs, en lien avec les compétences que l’on souhaite développer. Une bonne boussole pour s’orienter consiste à identifier ce qui nous procure du plaisir dans le travail.
On recommandera d’utiliser tous les moyens mis à la disposition de l’entreprise -bilan de carrière, coaching, conseil RH- pour prendre du recul sur sa carrière, se remettre au contact de compétences oubliées ou enfouies, de ses motivations profondes, de ses possibilités d’apprendre et de s’adapter.

Les relations avec l’entourage personnel et professionnel -managers, collègues, responsables RH, et bien sûr les proches, la famille, les amis- sont déterminantes. C’est en effet au fil des échanges que le projet professionnel prend de la consistance, par ajustements successifs. La confrontation à d’autres points de vue donne au candidat une vision plus nette de ses atouts, de ses motivations, des opportunités d’un futur poste et de sa capacité à l’occuper.
Utiliser tous les leviers disponibles, saisir toutes les opportunités
Cette réflexion conduit souvent à modifier son rapport au travail, à questionner son propre engagement. D’où l’importance pour toute entreprise attentive à sa « marque employeur », de savoir conduire des mobilités réussies. Il ne s’agit pas d’une question cosmétique, mais bien stratégique: la manière dont sont effectivement accompagnées les transitions fera écho, dans un registre systémique, aux valeurs revendiquées par le management dans la conduite de l’organisation.
C’est, au fond, la question centrale pour tout salarié confronté à l’envie, ou à la nécessité, de changer. Cela consiste à utiliser tous les leviers disponibles, à saisir toutes les opportunités, sans perdre de vue l’essentiel: le plaisir et l’intérêt du travail, le sens que l’on y trouve.